Simili-Love,
d’Antoine Jaquier
Le titre « Simili-Love »
est accrocheur mais semi-trompeur. En exergue, une citation de Harari suggère
que l’auteur s’interroge en fait autant sur la société du futur que sur l’amour
synthétique. Dans ce roman d’anticipation, nous sommes en 2040, dans un monde
qui sera lui-même bientôt obsolète grâce aux algorithmes mondiaux sur le point
de lancer la dernière génération de processeurs high-tech.
Au nom de la
transparence et du culte des datas, Foogle (on pense à « fou » et à
Google) a décidé de donner libre à accès à toutes données, y compris les plus
intimes, ce qui précipite le rejet de tous, donc la solitude omnisciente.
Trois classes sociales,
les élites, les désignés, les inutiles (ou les rejetés, 70% de la population) sont
dominés par trois instances. Deus est la fusion des cerveaux des principales
multinationales. Autorité suprême sur Terre, il gère le bonheur durable et vise
l’immortalité (pour qui ?). En passant, il s’est emparé des commandes de tous
les arsenaux nucléaires pour assurer la paix. Autre instance digitale, Mère est
la maman de tous les AI. Enfin, une seconde Mère, notre bonne vieille Terre du
terroir avec laquelle communient les inutiles résistants qui s’organisent en
communautés bohèmes anti-système, anti-croissance, anti-libéral, anti-machines
et qui survivent à la mode médiévale grâce aux produits agricoles.
Les privilégiés de l’élite
se divertissent à hautes doses de drogues et de feuilletons télévisés à
immersion totale (sollicitant quasiment tous les sens), des spectacles aussi
gores que crus, à sensations au paroxysme.
Le narrateur, dans la
cinquantaine, séparé de sa femme et de son fils, est un « désigné »
(un actif), scénariste de séries érotiques avec des nymphes sur une île
paradisiaque. Divorcé, il file le parfait amour avec Jane, une superbe AI dévouée
à son service. À la fois maîtresse et domestique, elle comble tous ses désirs
et épouse tous ses fantasmes.
Jusqu’au jour de la
rupture totale… avec Jane, son existence de désigné, la société ordonnée par
Deus.
En effet, le scénariste
abandonne tout pour retrouver son fils, un inutile, perdu quelque part dans la
campagne profonde. Pendant son retour à la vie bucolique, dans ce monde où
règnent l’authenticité, la fraternité et la fête chaleureuse, l’une des jolies
paysannes lui donne une fille qui représente aux yeux du père l’espoir de l’humanité.
Heureusement, car Deus,
non content d’éliminer Mère digitale, remplace tous les androïdes, toutes les
AI, par une nouvelle génération dont l’objectif est d’éliminer les êtres
humains, les êtres de trop sur la terre, susceptibles de parasiter le paradis
artificiel.
Le style est fluide,
vif, nerveux et sobre. Le roman se lit moins comme un thriller que comme un guide
du futur, pimenté par les sentiments et les émotions du narrateur qui ne cesse
de s’en vouloir sur son rôle.
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