Winston CHURCHILL
« Tout le monde savait que c'était impossible à faire.
Puis un jour quelqu'un est arrivé qui ne le savait pas, et il
l'a fait. »
La terre n’a jamais
porté autant de chercheurs qu’aujourd’hui. Qu’a-t-on inventé, qu’a-t-on
découvert ce jeudi ? Forcément, quelqu’un parmi tous les génies en quête
de nouveauté a dû mettre la pensée sur quelque chose d’inconnu, non ? Ne
peut-on affirmer que la prospection scientifique se déploie de plus en plus
tous azimuts ? Je n’en suis pas sûr.
Levons d’emblée tout
malentendu par un petit rappel de distinction : la découverte présuppose un objet déjà là, que personne jusqu’alors n’avait
remarqué. L’invention implique une
création, une construction, une fabrication, un assemblage jusqu’alors jamais
réalisé.
Le saxophone porte le
nom de son inventeur belge, Adolphe Sax. Cet instrument de musique n’existait
pas avant le mélomane.
La première exoplanète découverte
par les astrophysiciens genevois Michel Mayor et
Didier Queloz tournait autour de son soleil depuis longtemps avant d’être
repérée.
Reste un problème :
le trou noir n’a jamais été observé. Son existence a été supposée à partir d’équations
mathématiques, d’une construction de l’esprit. Découverte ? Invention ?
Certaines découvertes
ou inventions sont prévisibles : l’avion ; d’autres non : l’ADN.
Certaines innovations sont le fruit du hasard : l’anesthésie vient du gaz
hilarant inhalé par un blessé dans une foire.
Reformulons notre
question centrale : les êtres humains sont-ils libres de chercher n’importe
quoi, n’importe où ? Cette interrogation renvoie aux retombées de la
découverte ou de l’invention.
Si nous nous envisageons
à la fois les thèmes de la découverte et de l’invention, on peut dire qu’il en
existe de trois sortes : les supportables (la découverte de la pomme de
terre ; l’invention du paratonnerre), les insupportables (la découverte de
l’inconscient ; l’invention de la kalachnikov) et celles dont on ne peut
mesurer tout de suite les conséquences vertigineuses (la découverte des
sauvages d’Amérique ; l’invention de la fusée spatiale ou du robot).
L’important ici, c’est
que la découverte ou l’invention implique un champ d’application, dont la
prévisibilité est variable. Beaucoup de recherches sont abandonnées, voire tout
simplement inenvisageables, car les retombées pratiques sont soit peu
prometteuses (les études sur certaines maladies rares ne garantissent qu’un
faible profit qui ne couvrira pas les coûts de la recherche ; l’exploration
spatiale trop onéreuse ampute les budgets écologistes), soit effrayantes
(certains projets visant le génome humain). Dans ce dernier cas, les expériences
se heurtent à des interdits éthiques ou légaux, à l’image scandaleuse qu’elles
répandent via les médias. De plus en plus d’essais en laboratoire sur des
animaux suscitent la colère de la population.
Il en résulte que la
recherche scientifique ne peut plus se permettre de heurter la sensibilité de
certaines croyances. Elle peut de moins en moins prospecter tous azimuts. Elle
ne peut ramifier que là où le retour sur investissement semble heureux dans un
avenir proche et là où la pression médiatique n’est que faiblement hostile.
Notre perspective d’innovation
n’est-elle pas loin, en 2016, des audaces et des témérités scientifiques de la
fin du 19ème siècle ?…
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