Dans
un de mes romans, j’envisage que les robots seront les mieux habilités pour
prendre objectivement des décisions politiques bénéfiques pour toutes les
composantes de la société. Eh bien, voilà, IBM semble s’y préparer sérieusement…
Une intelligence
artificielle peut-elle devenir présidente des Etats-Unis ?
Le
Monde.fr Par Morgane Tual
Il ressemble à tous les autres sites des candidats
à la présidentielle américaine. Un drapeau étoilé flotte au vent, le design est soigné, agrémenté de vidéos, le
propos est clair, argumenté, direct. A la différence près que ce candidat-là
n’est pas humain : il s’agit de Watson, le programme d’intelligence
artificielle phare d’IBM, l’un des plus avancés au monde.
« Nous
pensons que les capacités uniques de Watson pour analyser
l’information, et prendre
des décisions éclairées et transparentes, en font un candidat idéal pour le
poste à responsabilités que représente celui de président », peut-on lire
sur le site de la
campagne Watson 2016. Sur un ton on ne peut plus sérieux, le site
déroule son argumentaire :
« Plus Watson intègre
d’informations, plus ses capacités de prise de décision sont efficaces. Il est
capable d’analyser des informations venant de n’importe quelle source, il peut
donc prendre en compte différentes perspectives et opinions sur tous les
sujets. […] C’est une tâche que doivent effectuer
quotidiennement les politiques, y compris le président, et qui pourrait être
effectuée de façon plus appropriée et efficace par une intelligence
artificielle. »
Selon ce
site, Watson pourrait analyser, en prenant en compte de nombreux paramètres,
les qualités et défauts de chaque décision, en évaluant « son impact
sur l’économie, l’environnement,
l’éducation, la santé, la diplomatie
et les libertés publiques ».
D’où
vient ce site ? S’agit-il d’une campagne de communication d’IBM ? L’entreprise
a répondu au Monde qu’elle n’avait rien à voir
avec ce projet, et refuse de le commenter. Peut-être
vient-il alors de l’Electronic Frontier Foundation, une importante association
de défense des libertés
numériques, à laquelle le site propose de faire
des dons ? Non plus.
Cette
initiative vient en réalité de l’artiste et designer Aaron Siegel, professeur de
design à l’université de Californie du Sud, qui se présente comme le « directeur
de campagne » de Watson 2016. Comme il l’explique au Monde, ce
projet est issu « de la frustration et de la désillusion vis-à-vis du
processus de l’élection présidentielle américaine ». Il fustige la
façon dont les candidats s’en tiennent à la vision de leur parti « au
lieu d’aborder les problèmes de façon objective », le coût démesuré
des campagnes qui, selon lui, oblige les candidats à se soumettre
aux puissances de l’argent, et évoque un « besoin de transparence en
politique ».
« Je
me suis demandé quelle personne pouvait être le politicien le plus objectif,
efficace et non partisan, et je me suis rendu compte que cette personne était
un ordinateur. » Dans son rôle de directeur de campagne, il assure que
Watson représente une solution viable :
« Nous pensons qu’une intelligence
artificielle telle que Watson peut apporter
les capacités de prise de décision objectives dont nous avons besoin chez un
dirigeant, ainsi que la transparence nécessaire pour analyser comment ces
décisions ont été prises et pourquoi. Le système n’est lié à aucun parti, ses
décisions sont donc fondées uniquement sur l’information dont il dispose, et
non sur des idéologies. »
Est-il
vraiment sérieux ? « Au vu des problèmes listés sur le site de la
campagne, je suis assez sérieux », assure-t-il, tout en précisant que
« le but de cette campagne est de présenter
une alternative à la façon dont le gouvernement fonctionne, pour faire en sorte
que les gens réagissent à cette idée. »
Voilà
donc l’objectif réel de Watson 2016 : interroger le système politique actuel, mais aussi la place de
l’intelligence artificielle dans notre monde. « J’espère que cela
poussera les gens à discuter
du potentiel de l’intelligence artificielle dans la politique.
»
Aujourd’hui,
le programme d’IBM est déjà utilisé à des fins médicales, puisque, en analysant
les données d’un patient, elle est capable d’aider les médecins à établir
un diagnostic. Sur le site d’IBM, l’entreprise vante aussi l’utilité de Watson
dans le secteur public :
« Il est parfois difficile
pour les organismes du secteur public de répondre
aux questions qui leur sont posées, et ce, du fait de la difficulté à s’y retrouver
dans l’immense masse de données qu’ils possèdent. Les capacités analytiques de
Watson peuvent permettre
d’apporter une réponse immédiate à des questions touchant une large gamme de
sujets : “Quelles sont les règles de plan d’occupation des sols pour construire un porche ?” ; “Cette taxe s’applique-t-elle à
moi ?” ; “Quelle est la meilleure
façon d’obtenir un visa ?” »
Quand
bien même Watson serait un jour capable de prendre des décisions politiques,
s’agirait-il réellement de décisions objectives ? La façon dont est codé
un programme serait-elle vraiment exempte de tout biais politique ?
« C’est
exactement le type de questions que j’espérais que cela soulève, répond
Aaron Siegel. Un des principaux problèmes que les gens ont soulevés
concernant Watson est qu’il est développé par IBM. Ne pas savoir
exactement comment il fonctionne les met mal à l’aise. Cela pourrait être réglé
en rendant Watson open source », c’est-à-dire en rendant son code
source accessible à tous, et donc transparent.
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