lundi 22 février 2016

Quelle est la cause du progrès scientifique aujourd'hui?



De nos jours, ce qui stimule le progrès scientifique, ce qui accélère l’inventivité, c’est l’émulation qui émerge de la concurrence entre chercheurs et expérimentateurs. Jadis, la course vers la lune avait été accélérée par la guerre froide entre deux blocs politico-militaires antagonistes. Aujourd’hui, bien des triomphes en science se nourrissent de la guerre des brevets ou de la notoriété. Dès qu’au moins deux équipes de génies sont en compétition pour trouver la première la solution à un problème, on peut être sûr que l’heureux résultat sautera tôt ou tard comme un bouchon de champagne annonçant la fortune ou la célébrité. Les managers et les coaches de la science encouragent leurs teams à la pointe en flattant leur ego, en visant le prix Nobel encensé comme la manne d’or.

Illustration : (dans Le Temps du 22-02-16, article d’Olivier Dessibourg)

Guerre des brevets pour la «chirurgie du gène»


Une nouvelle et révolutionnaire technique de génie génétique, nommée Crispr-Cas est au cœur de l’une des plus grosses disputes scientifico-économiques depuis longtemps. Des milliards sont en jeu. Avec des ramifications jusqu’en Suisse
C’est la bataille de la décennie dans le monde des biotechnologies. Une nouvelle méthode de génie génétique est au coeur d’une guerre de brevets sur laquelle la justice américaine vient d’accepter de se prononcer. Une dispute d’une rare ampleur, qui se raconte comme un polar scientifico-économique, avec son intrigue, ses implications pour l’avenir de la médecine, ses enjeux financiers faramineux, ses protagonistes charismatiques ou mystérieux, présents pour beaucoup à la récente conférence scientifique AAAS, à Washington. Une affaire dont le décor se situe surtout aux Etats-Unis, mais avec des ramifications en Europe et en Suisse.

Les acteurs

Martin Jinek est aujourd’hui professeur de biochimie à l’Université de Zurich. Son post-doctorat, il l’a fait dans le groupe de biologie moléculaire de Jennifer Doudna, à l’Université de Californie à Berkeley. C’est à cette institution et à sa professeure qu’il a dû, selon les règles, céder les droits de la découverte qu’il coréalise. Et quelle découverte! Celle d’une manipulation permettant, comme avec des ciseaux et de la colle, de sectionner l’ADN de cellules et d’y glisser un gène externe, doté des propriétés souhaitées. De quoi imaginer une palette d’applications: de l’amélioration de semences agricoles aux «bébés sur mesure», en passant par des cobayes génétiquement modifiés pour mieux étudier les maladies. Une révolution, tant cette technique de «couteau-suisse biologique», baptisée Crispr-Cas, est simple, précise, rapide et peu coûteuse.

Le groupe américain n’a pas fait cette trouvaille par hasard. Il a été mis sur sa piste par Emmanuelle Charpentier, microbiologiste française travaillant aujourd’hui au Max-Planck Institut de Berlin et à l’Université suédoise d’Uméå. Celle-ci a décrit comment certaines bactéries bloquent des virus qui veulent y infiltrer leur matériel génétique. Une parade dont la chercheuse peinait toutefois à décrire seule la structure des armes utilisées, des enzymes et des protéines; elle a donc approché le groupe Doudna, dont c’était la spécialité. Le trio Doudna-Charpentier-Jinek, publie alors en 2012 un article retentissant dans la revue Science, qui explique la technique Crispr-Cas, basée sur ce système de défense bactérien. Les deux professeures reçoivent pour cette avancée moult prix, et on leur prédit le Nobel.

Presque simultanément, un autre chercheur, Feng Zhang, au Broad Institute du MIT de Boston, utilise aussi Crispr-Cas pour l’appliquer, lui, à des cellules ayant un noyau (encaryotes), à l’inverse des bactéries. En l’occurrence des cellules humaines et de souris. Et c’est là que la bataille commence.

L’imbroglio

Vu ses promesses, la technique Crispr-Cas et ses dérivés ont déjà fait l’objet d’une myriade de brevets de détails. Les investisseurs se pressent pour placer leurs milliards de billes sur les firmes qui se profilent dans cet Eldorado biotechnologique. Mais pour la paternité-même de la méthode et son exploitation commerciale, le débat fait rage. (...)

(l'article entier à lire dans Le Temps)




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